Septembre arrive… (concours Cultura)

Non ! Pas déjà ! Terrible ! Catastrophe ! 

Les mines se figent, les mâchoires tombent. Les corps s’immobilisent et tremblent d’effroi.

Septembre arrive… Sonnant l’éparpillement des familles, les pleurs aux creux des “au revoir”. Le chacun chez soi. Le retour au rythme effréné perdant les passionnés d’oisiveté. Les idées noires, le glas des libertés, des vacances et des fêtes. Des voyages porteurs de bien-être et d’évasion, qui étonnent et enrichissent. Les esprits encore enivrés dépériront, désormais les poings liés par les vents paralysants et les pieds embourbées au fond des flaques de pluie. Leur sang se glace. Les yeux mi-clos, aveuglés par les rayons lumineux trop souvent admirés, se fermeront lentement. Le cœur serré accélérera sa cadence. L’estomac se nouera en appréhendant la rentrée. 

Septembre arrive, avec son crépuscule. Il voit l’éclat du jour se ternir, les fleurs multicolores se faner et la chaleur retirer sa couverture invisible. Les bourdonnements cessent, les piaillements joyeux des arbres se taisent. 

Compagnon inéluctable et récurent, pourquoi n’apprendrions-nous donc pas à l’apprivoiser ? 

Ne pourrions-nous pas y déceler un renouveau ? Comme un début de printemps en sommeil, transperçant à peine derrière la brume matinale et la rosée ? 

Fuyons nos chaumières froides ou bouillantes, profitons des lueurs confortables du jour, enterrons les moustiques et les guêpes ! Sortons les bras en croix ! Le menton fier et la nuque tendue. Délectons-nous des gouttes apaisantes rafraîchissant enfin nos corps ! Coupons les climatisations qui assèchent et endolorissent les gorges ! Oublions les piscines surfaites et les volets clos ! Permettons à nos enfants de s’extraire de leur cuve turquoise, et de leur chambre. Les cerveaux, anéantis par les clapotis répétitifs et les écrans, expérimenteront, grandiront, apprendront. Contemplons-les ! Laissons-les comprendre, analyser et patauger, enfin vivants ! Les contrastes crépusculaires verront les rubans jaunes ou rouges serpenter dans les rues et les avenues. Les camaïeux de vermillon et d’or embelliront les façades et les forêts. Loin de symboliser une fin, septembre apportera ainsi son fourmillement de vie et de bavardages. Les souvenirs estivaux seront partagés, haut et fort. Les émulations stimulantes rempliront les vides. De nouveaux projets poindront le bout de leur nez. Nos peaux se hérisseront de frissons matinaux… Une couette légère et tout juste sortie du placard les adoucira délicatement. Et loin de la moiteur étouffante et incommodantes des nuits de canicule, nous respirerons enfin l’autre sans contrainte. Dans la pénombre des duvets d’oie, se blottir contre son corps amoureux et retrouver la température idéale de ses mains nous offrira une multitude d’instants privilégiés, secrets et d’une intensité incomparable. 

Septembre, et son réveil des sens, arrive… 


Marina CARRIEU